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A la Biennale de Toulouse, deux chorégraphes lituaniens aux antipodes

Elle est campée sur ses talons aiguilles blancs devant une pile de cartons. Samedi 28 septembre, la chorégraphe lituanienne Agniete Lisickinaite nous attend de pied ferme devant la Bibliothèque d’étude et du patrimoine de Toulouse. Un par un, elle dépose côte à côte des panneaux sur le sol. On peut y lire : « No one is illegal » (« personne n’est illégal »), « Black lives matter » (« les vies noires comptent »), « Don’t Shoot » (« ne tirez pas »), « Between 2010 and 2021, at least 6 593 women were killed by a male partner » (« entre 2010 et 2021, au moins 6 593 femmes ont été tuées par leur compagnon »). Elle invite le public à choisir l’une des pancartes et à la suivre dans les rues de Toulouse. Tranquille, la manifestation improvisée déambule, ponctuée par les regards et les commentaires des badauds.
En meneuse aussi grave que sérieuse dans son pantalon argenté, Agniete Lisickinaite rappelle, avec cette performance participative intitulée Hands Up, la situation globale désastreuse de la planète. Programmée pour la première fois en France, elle est à l’affiche conjointe de la Biennale de Toulouse et de la Saison de la Lituanie en France, qui se déploie dans 80 villes de l’Hexagone jusqu’au 12 décembre. Elle se qualifie elle-même « d’artiviste ». « Lorsque j’ai imaginé ce spectacle sur la contestation en 2021, j’ai réalisé que je ne pouvais pas rester enfermée dans mon studio de répétition, à Vilnius, confie-t-elle. J’ai testé la pièce toute seule, chaque jour, pendant deux semaines dans les rues. »
Les mains en l’air, donc, pour brandir haut et sans faillir les revendications écrites sur les cartons. Certains sont vierges. Ils rappellent la marche Blank Placard Dance, créée en 1967 par la figure avant-gardiste américaine Anna Halprin (1920-2021), dans les rues de San Francisco, aux Etats-Unis – une performance dont Agniete Lisickinaite ignorait l’existence. En réaction à la guerre du Vietnam, Anna Halprin avait organisé un défilé silencieux de protestation rassemblant une trentaine de performeurs portant des pancartes blanches. « Les combats restent nombreux », déclare Agniete Lisickinaite, très émue de tourner Hands Up, dans ce pays avec « une longue histoire contestataire » qu’est la France. « J’ai 34 ans cette année et l’indépendance de la Lituanie vis-à-vis de l’URSS remonte aussi à trente-quatre ans », résume-t-elle.
Au même programme, dans un registre aux antipodes, le solo Hairy 2.0, de Dovydas Strimaitis, magnétise. En combinaison noir façon latex, ce danseur et chorégraphe parie sur l’impact visuel et cinétique de sa longue chevelure rousse. Et le résultat est sidérant. Dans un enchaînement de pas minimaliste, jambes écartées et tête penchée, il active une rotation du cou puissante et frénétique qui fait tournoyer non-stop ses cheveux. Droite, gauche, en bas, en haut, le mouvement incroyablement huilé semble glisser sur des cervicales en caoutchouc, au point qu’on a parfois la sensation que son crâne va se décoller du corps. Sur des beats électro, cette danse de la crinière montée sur roulements à billes réussit le prodige de tenir en haleine pendant trente minutes.
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